Le 10 mars 2020,
A l’issue de l’examen du texte en commission à l’Assemblée Nationale, des avancées importantes ont été permises grâce au travail des parlementaires et de la Rapporteure générale du texte Aurore Bergé, mais les Cinéastes de L’ARP s’inquiètent des réticences du Ministre de la culture qui sont apparues lors des débats parlementaires.
Statut du producteur délégué, indépendance de la création, lutte efficace contre le piratage via la transaction pénale : sur ces sujets, le refus du Ministre de consolider ces principes dans la loi elle-même, en contradiction avec ses récentes prises de position, interpelle. Aucun amendement non plus concernant la préservation des catalogues. Alors même que la cession de ces catalogues à des acteurs extra-européens pourrait être imminente. Qui pourrait tolérer par exemple qu’ « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard ou « Le père Noël est une ordure » de Jean-Marie Poiré soient vendus à un opérateur basé aux Etats-Unis, ou encore en Chine ? Et ce dans le cadre d’une loi intitulée, faut-il le rappeler, « souveraineté culturelle à l’heure du numérique ». Il est extrêmement inquiétant que, sur plusieurs de ces sujets fondamentaux, le Gouvernement ait choisi de ne pas saisir les propositions des parlementaires.
Heureusement, le travail et l’engagement de ces mêmes parlementaires a permis plusieurs avancées significatives : sur la neutralité technologique – qui permettra de mieux intégrer les nouveaux usages et d’amener les plateformes vers plus de diversité, sur le principe d’un couloir d’investissements pour le cinéma refusant toute mutualisation avec l’audiovisuel, sur l’impossibilité de ne tenir compte des seules données issues de la consommation des œuvres pour déterminer les obligations, sur la clarification des droits qui ne pourront être pris en compte dans les obligations, sur les critères considérés pour apprécier l’indépendance de la production. Nous les en remercions, d’autant plus que ces améliorations ont parfois été votées malgré un avis défavorable du Gouvernement.
D’autres points devront néanmoins absolument être clarifiés lors de l’examen en séance, notamment en matière de respect du droit moral des auteurs. Il serait incompréhensible que les éditeurs puissent échapper au respect de ce principe fondateur. Les artistes du monde entier respectent la France et viennent souvent créer ou se faire produire par la France, grâce au droit moral et à l’exception culturelle qui protègent leur liberté de création.
Alors que l’examen du projet de loi va se poursuivre en séance à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat, les Cinéastes de L’ARP tiennent à rappeler au Gouvernement l’importance de ce texte, qui sera l’une des principales expressions de la politique culturelle de ce quinquennat, et qui ne pourrait être vulgairement réduit en un amas de technicité et d’arbitrages en faveur des seuls industriels, au détriment de la culture.
A travers cette loi, il s’agit bien de réaffirmer avec force notre conviction de politique culturelle, qui ne peut survivre à l’ère numérique sans une régulation claire et des pouvoirs publics déterminés. Les réticences du Gouvernement font entrevoir et redouter que la loi audiovisuelle ne devienne une sorte de réforme des retraites « bis », où le travail approfondi des parlementaires et des organisations pourrait être balayé par un arbitrage de l’exécutif, transformant une loi ambitieuse et nécessaire en un simple ajustement économique. Cela serait mortifère pour la souveraineté culturelle à laquelle les Français sont si profondément attachés.