Le 22 janvier 2024,

Alors que les Etats-Unis ont durci leurs exigences de régulation et de transparence vis-à-vis des sociétés d’Intelligence artificielle et alors que le Parlement européen a proposé une législation allant dans le même sens, la France, tournant le dos à son ADN culturel, s’oppose à introduire dans l’IA Act une véritable exigence de transparence des sources.  

            Alors que les messages envoyés par le Ministère de la Culture sont en faveur d’une régulation de l’Intelligence Artificielle et alors que plus de 80 organisations culturelles ont interpellé le gouvernement français sur la nécessité de transparence, nos représentants français, au sein du Trilogue (Commission, Conseil, et Parlement européen) sur l’IA Act et des réunions techniques qui ont lieu depuis, affichent une position incompréhensible et contraire à l’immense majorité des autres pays européens.

            L’argument industriel mis en avant par ces hauts fonctionnaires français ne tient pas puisque, de l’avis des spécialistes de l’intelligence artificielle, la régulation et la transparence ne freinent absolument pas le développement de ce secteur. Au contraire, la transparence réduirait l’insécurité juridique à laquelle s’exposent les entreprises spécialisées dans l’intelligence artificielle. Il existe déjà des solutions technologiques permettant sa mise en place. A fortiori l’introduction d’une exigence de l’identification des sources grâce à la transparence serait une nouvelle possibilité de rémunération pour les auteurs d’œuvres européennes. Malgré cela, notre pays refuse ce développement économique futur, au détriment d’industries culturelles et créatives qui représentent un poids économique et stratégique majeur. Notre pays refuse la valeur de notre culture !

Alors pourquoi ?

            Il faut savoir que l’ancien Secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, actionnaire et conseiller cofondateurde la société Mistral AI, entreprise d’IA d’initiative française, est également membre du comité stratégique de l’intelligence artificielle mis en place par l’Etat…

            Il faut aussi savoir que Mistral a effectué une levée de fonds à hauteur de 385M€, dont plusieurs centaines de millions issus de fonds américains, à peine 48 heures après qu’un accord politique autour du Règlement sur l’intelligence artificielle ait été trouvé en Europe. Ce lobbying reviendrait à faire de la position française le cheval de Troie de l’IA américaine – et de toutes les autres – qui trouverait ainsi en France et en Europe la zone de « non-droit » où le libre pillage des œuvres et autres licences permettrait l’enrichissement de sociétés d’intelligence artificielle. Il est choquant que ce lobbying intensif n’inquiète pas les pouvoirs publics qui ont décidé de rester sourds aux soupçons de conflit d’intérêt et aux mises en garde de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique concernant Cédric O.

            La France a toujours été leader des grands combats au service de la transparence et des auteurs, garanties de démocratie. Elle a su livrer au sein de l’Europe des combats vertueux qu’elle a remportés. Aujourd’hui, alors que les autres nations européennes réclament de la transparence face au développement rapide de cette technologie, la France trahit ses convictions et son leadership au bénéfice « d’intérêts particuliers », pour reprendre les termes du Commissaire Thierry Breton. Interpellés par ce processus, des sénateurs et députés français ont dénoncé l’influence qu’a pu exercer ce potentiel conflit d’intérêt, ainsi que la non-conformité avec les règles imposées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le Président de la République a déclaré : « Nous devons articuler la radicalité de choix et d’innovation profonde technologique, sociale, économique et la responsabilité de choix éthique ».

La nouvelle Ministre de la Culture a déclaré : « Je serai donc toujours là pour défendre cette exception culturelle ».

Le nouveau Premier Ministre a déclaré : « Je ne crois pas une seconde que l’Europe pourra protéger les Français si elle est tenue par des responsables politiques qui ne défendent pas l’Europe ».

Il est urgent qu’ils se mettent en conformité avec leurs engagements pour faire cesser ce scandale qui va à l’encontre de la culture et de la volonté européenne.

Les Cinéastes de L’ARP