Le 19 février 2020,
Les Cinéastes de L’ARP ont appris avec une grande tristesse la disparition de Liliane de Kermadec, membre de L’ARP depuis 1991. Ils lui rendent hommage à travers la plume de son amie Evelyne Dress.
Liliane de Kermadec était mon amie. Je l’admirais pour sa force, son énergie, son talent, sa capacité à créer, envers et contre tout, envers et contre tous.
Car Liliane était une femme en colère : « Si je ne tourne pas, je meurs ! », disait-elle.
Des films, elle en a fait, des longs-métrages et des documentaires, pour vivre, pour exister, pour continuer, pour dire sa révolte. Rien ne l’arrêtait.
En 2008, à 80 ans, elle part dans le Haut-Kaababh (Caucase) avec sa petite caméra pour tournerLe murmure des ruines. Les villageois de Chouchi se prêtent avec grâce à son idée rocambolesque : l’ouverture d’une boulangerie dans un pays ravagé par la guerre !
Un jour, elle m’appela, désespérée, car elle, qui avait été en compétition à Cannes en 1975 avec Aloïse (interprète principale Delphine Seyrig), se sentait vide, sans producteur, sans personne pour l’accompagner dans sa création, et avec la conscience de ne plus pouvoir partir au fin fond de la Chine avec sa petite caméra, comme elle l’avait fait en 2009 et 2011 : He Film et Péripéties et perfections des acteurs de l’Opéra de Pékin.
En 2015, elle est devenue auto-entrepreneur, et, soudain, elle en ressentit une liberté incroyable, comme une renaissance et cela donna en 2016 Le cri des fourmis, documentaire sur les Tupamaros, tourné en Uruguay , grâce à un appel à dons, puis, en 2018 L’utopie perdue, tourné à Paris.
Cette utopie perdue était peut-être la sienne ?
Mais à 91 ans, elle avait encore des projets et, la connaissant, elle en serait venue à bout.
Nous avons pris un café ensemble la semaine dernière pour parler de son futur film qui était d’actualité, le déplorait-elle : un petit garçon pendant la Shoah sur les ruines de Varsovie.
Son souci était de choisir la langue du tournage. Elle ne voulait plus rien avoir affaire avec la Pologne, mais nous devions nous revoir pour en parler, car mon conseil était de faire fi de ses préjugés.
Elle est morte avant de l’avoir tourné, mais, je suis sûre, qu’elle est partie là-haut avec sa petite caméra et qu’elle trouvera le moyen de faire tourner (en bourrique) le Bon Dieu…
Evelyne Dress