Le 29 juillet 2021,

Jean-François Stévenin, membre fondateur de L’ARP, nous a quittés ce lundi. Immense comédien, Jean-François Stévenin était aussi un grand réalisateur, auteur de trois films remarquables : Passe-montagne (1978), Double messieurs (1986), Mischka (2002), salués en 2018 par un Prix Jean-Vigo d’Honneur.

Les Cinéastes adressent leurs sincères condoléances à sa compagne, Claire, et à ses enfants, Sagamore, Robinson, Salomé et Pierre. Ils lui rendent hommage, à travers les mots de son ami, le Cinéaste Joël Farges.

Éloge d’un cinéaste qui sût tourner quand il avait quelque chose à dire.

Ce que j’ai toujours apprécié chez Jean-François Stévenin, c’est que chacun de ses films était mû par une impérieuse nécessité.

En seulement trois films, il aura construit une œuvre forte, nécessaire, cohérente qui nous marqua profondément, qui frappa son époque et qui résonne fortement aujourd’hui.

Ils sont nombreux les très jeunes cinéastes contemporains à faire de lui une référence.

On le compare à John Cassavetes, on a raison, il y a chez eux, une nécessité irrémédiable, une sincérité à transcrire l’intime, une évidence du réel, et un amour des acteurs.

D’ailleurs, tous deux partagèrent cette double activité. Et tous deux jouèrent avec leur famille comme s’il leur fallait cette proximité pour délivrer un message universel à chacun d’entre nous.

Le cinéma fut pour Jean-François Stévenin une raison d’être au monde.

C’est une leçon à méditer.

Il aurait pu faire d’autres films, et c’était pour beaucoup d’entre nous, une énigme : pourquoi ne tourne-t-il pas plus ?

Passe-montagne l’imposa d’emblée comme l’un des meilleurs d’entre nous.

Double-messieurs nous confirma son talent singulier.

Mischka l’étendue de sa singularité et la maitrise de ce qu’il voulait nous dire.

Sa frugalité aura été son viatique : il n’aura fait que ce qui s’imposait à lui comme absolument nécessaire. Pas de scorie, pas de ratage, pas de film en trop, pas de film pour dire qu’on peut en faire. Rien de trop, juste ce qu’il faut.

Mais comme le cinéma était sa raison de vivre, Jean-François Stévenin avait commencé – bien qu’ancien d’HEC – comme assistant. Il fallait de l’humilité pour se soumettre au désir d’autrui. Méticuleux, précis, rigoureux et s’imposant quand il le fallait. Et il devint un assistant de référence. Puis, tant par désir que par nécessité vitale, il devint acteur. Sa carrière est prodigieuse. Et s’il fut frugal comme réalisateur, il fut boulimique comme acteur et il nous laisse quelques personnages inoubliables, à commencer par ses propres rôles dans ses propres films.

Je dirai enfin qu’il nous quitte en nous laissant l’impression qu’on perd un membre crucial de notre famille, c’est d’ailleurs comme ça qu’il voyait le cinéma, comme une famille où il fallait être vrai, sincère, humble, courtois, avenant, soucieux des autres, plein d’énergie communicative et en même temps savoir se faire vital et central.

Il est toujours difficile de dire ce qui restera d’une œuvre mais je crois que son tryptique nous servira longtemps de leçon de cinéma. Et s’il reçut le Prix Jean Vigo, ce n’est pas par hasard, et qu’il lui ait été décerné par Agnès Varda, ce n’est pas non plus un hasard, c’est riche de sens. Tous les trois, Vigo Varda, Stévenin sont des cinéastes qui auront fait leur film tranquillement, modestement, humblement. Ils auront dit ce qu’ils avaient à dire sans se soucier, ni des modes, ni des diktats, ni des prétentions. Ils auront porté haut la sincérité, la vérité, la simplicité.

Jean-François Stévenin ne nous laisse pas un vide, il nous laisse sa famille (quatre acteurs magnifiques et singuliers) et ses films qui sont là, pour nous, et pour longtemps.

Joël Farges