De tout temps, les créateurs et les acteurs de la culture ont décortiqué minutieusement ou alerté sur l’évolution de nos sociétés, sur la nature humaine, sur l’état de notre planète. Leurs intuitions et connaissances complexes ont contribué à bâtir nos civilisations, le vivre-ensemble, à construire la démocratie. La démocratie, la liberté de création, l’indépendance, la transparence, la diversité, la parité, la culture comme élément politique indispensable ont été des valeurs qui ont guidé et éclairé les débats de cette 34e édition des Rencontres Cinématographiques de L’ARP.
Durant trois jours nous avons donc interrogé les outils politiques essentiels qui permettent de défendre ces valeurs et la réussite sans cesse renouvelée du cinéma français et européen : l’exception culturelle, la chronologie des médias, le géoblocage, la directive SMA, la réglementation de l’IA, etc.
Nous remercions l’ensemble des participants d’avoir œuvré à la richesse de ces débats ainsi que l’ensemble des partenaires de ces 34e Rencontres Cinématographiques qui ont permis leur mise en place.
La culture en tant qu’enjeu politique concerne tous les citoyens. Face à la montée des divisions, des populismes, des tensions de tout ordre, plus que jamais la culture est essentielle, constitutive d’un être éclairé et responsable. Il est primordial que le politique continue à parler culture. A nous de remettre le cinéma et la culture au centre du village.
Cette année a été particulièrement marquée par de nouvelles avancées et de nouvelles prises de parole structurantes pour dénoncer les violences de tout type dans notre secteur. Sous le coup des projecteurs, nous avons aujourd’hui l’opportunité, en réfléchissant nos pratiques en profondeur, dans un travail commun, de changer les choses et devenir source d’inspiration pour toute la société. Permettons à la création de se faire le plus librement possible et avec les objectifs les plus élevés, mais sans que cela ne soit jamais générateur de violence. Protégeons les œuvres, fruit de travaux collectifs, pour améliorer les relations entre tous grâce à des règles accessibles et claires.
A l’occasion de ces Rencontres, il était important, ici, de rappeler que la diversité, notre atout face aux super productions extra-européennes qui mobilisent des moyens que nous ne pourrons jamais rassembler, est la réponse française et européenne la plus puissante qui soit. Et ce grâce à l’indépendance. Afin que les œuvres puissent être puissantes, il faut qu’elles apportent un point de vue. Lorsqu’on est indépendant, on agit en toute liberté, lorsqu’on est dépendant on est en liberté… mais en liberté surveillée. Il est donc fondamental de préserver l’indépendance française et européenne et de la redéfinir dans son acception la plus forte. Rappelons encore et toujours le rôle essentiel du service audiovisuel public, exemplaire en termes de diversité, dont la pérennité budgétaire doit absolument être préservée. L’histoire de notre cinéma a toujours prouvé et prouve encore aujourd’hui que l’audace, l’innovation, l’insolence face à l’évolution de la société et au marché, font naître non seulement les talents de demain mais aussi les succès commerciaux d’aujourd’hui. Or chaque jour, nous constatons la montée en puissance de grands groupes. Si nous nous réjouissons de leur succès et de leur ambition industrielle, nous devons toujours veiller à ce que l’ADN de notre création française reste très majoritairement indépendant et diversifié, témoignant ainsi de la bonne santé de notre démocratie. C’est pourquoi nous invitons les pouvoirs publics et le CNC à inventer dès aujourd’hui les solutions qui protègeront et favoriseront les « véritables » indépendants, définition qui se doit d’être repensée afin de répondre intelligemment à la montée de ces grands groupes, mais aussi à une nouvelle posture américaine qu’on ne peut pas imaginer amicale à la suite des dernières élections. Des pistes de solutions ont été ouvertes ici, suivons-les ensemble.
Le cinéma est un enjeu culturel stratégique, voici une nouvelle occasion de le revendiquer.
L’intelligence artificielle : tous les acteurs de la culture et du cinéma sont d’accord pour dire que l’IA est un outil révolutionnaire qui peut être utile à la création. A condition qu’il demeure un outil au service de l’humain, réglementé par l’humain et asservi au respect des lois humaines. Aujourd’hui, l’IA pille nos œuvres en toute impunité. Travaillons ensemble pour réguler au plus vite cet outil. Cela implique : une totale transparence (via un template le plus exhaustif possible et la conservation obligatoire de preuves), une rémunération équitable des créateurs et de tous les ayants droits, et un encadrement éthique de cette technologie dans notre secteur. Ne perdons pas de temps à opposer naïvement innovation, technologie et création. Ensemble, acteurs de la culture et acteurs de la tech, mettons en place les instruments pour guider le monde vers un chemin éthique de l’utilisation de l’IA, permettant son développement au service de tous sans fragiliser la créativité humaine et son écosystème.
En matière de politique européenne, de nombreux participants aux 34èmes Rencontres de L’ARP ont affirmé avec force la volonté que l’UE développe une vraie ambition culturelle en rapatriant le cinéma et l’audiovisuel dans une Commission Culture en mesure de peser pleinement sur ces enjeux. Ils exigent de l’UE une politique culturelle forte, orientée vers la création, avec des objectifs culturels et non seulement industriels, objectifs démocratiques, éducatifs, en pleine harmonie avec les différences nationales et régionales qui font notre force. C’est ce dont a besoin l’Union pour être souveraine. Cela doit se traduire dans tous les débats et propositions de textes concernant le géoblocage, l’IA Act, la Directive SMA, la Directive Droit d’Auteur, le plan MEDIA. Nous porterons une attention très particulière à la défense de l’Exception Culturelle, née à l’ARP et adoptée par l’UE en 1994. Si les institutions européennes négligent leur devoir de diversité culturelle, inscrit dans les textes, et tentent d’outrepasser leur compétence concernant la culture, définie lors du Traité de Lisbonne, nous serons à l’offensive et ce, avec l’ensemble des citoyens. L’Europe a toujours été respectée et admirée par le reste du monde pour sa culture riche et féconde. Ne jamais l’oublier.
Soyons fiers de toujours combattre pour une politique culturelle ambitieuse, dont les succès ne peuvent être niés ni sur le plan économique, ni en termes de rayonnement pour la France.
Professionnels, pouvoirs publics, mobilisons-nous pour continuer à porter une politique culturelle ambitieuse et un écosystème vertueux, au service des citoyens, de la création et de ses acteurs, et in fine au service de notre démocratie !