Jeanne Herry, co-Présidente de L’ARP
crédit photo : Susy Lagrange

La chute globale de la fréquentation cette année nous inquiète tous légitimement. Même si les récents succès du cinéma français nous autorisent à espérer des jours meilleurs.

Mais ces moments d’incertitude ne doivent en aucun cas nous pousser à arbitrer entre divertissements et films de recherche. Au contraire, c’est bien cet imaginaire pluriel que les spectateurs plébiscitent, en salles comme derrière leurs écrans.

La diversité de notre cinéma, tant dans sa création que dans sa diffusion, est notre atout. Elle a fait son histoire, sa vitalité artistique, sa force économique et son rayonnement culturel. Notre cinéma est un actif qui crée, indéniablement, de la valeur. Et nous refusons le lent déclin des autres cinémas européens affaiblis par une libéralisation mortifère.

Or, aujourd’hui, à quoi assiste-t-on ?

Au développement croissant de stratégies d’ultra-libéralisation ou de prédation qui profitent de notre ébranlement.

Cette ubérisation progressive de notre secteur et le pouvoir de fascination qu’exerce la puissance d’opérateurs internationaux au plus haut niveau de l’Etat mettent en danger notre souveraineté face à ces enjeux fondamentaux.

L’attentisme de nos gouvernants qui s’abritent derrière un vide juridique ou une éventuelle décision de Bruxelles ne fait qu’agrandir les brèches profondes qui abiment notre écosystème.

Nous refusons cette dérive.

Nous refusons de renoncer aux missions fondamentales de notre Etat démocratique : veiller au bien commun et donc proposer aux citoyens une offre culturelle riche et libre.

Nous refusons d’oublier que la France a réussi à porter, à l’échelle européenne ou mondiale, une ambition pour la culture, adaptée aux défis posés par les transformations de notre monde. L’exception culturelle, concept imaginé par notre association, en est l’exemple le plus emblématique. Elle protège notre création sans l’exclure du marché.

L’économie numérique, la mondialisation et la financiarisation appellent à une posture aussi innovante et anticipatrice que l’exception culturelle.

Nous sommes prêts, à L’ARP, à relever le défi de ce nouveau rendez-vous avec l’histoire. Et nous continuerons toujours à nous engager sur la voie de la modernisation de notre système car les attentes et les habitudes des spectateurs évoluent vite.

Mais ce rendez-vous avec l’histoire ne se fera pas sans un engagement fort et concret de l’Etat.

Via une politique volontariste qui réaffirme notre souveraineté en veillant au respect de nos principes fondamentaux et de nos règles face aux contournements et optimisations. L’Etat doit empêcher l’expropriation d’actifs culturels stratégiques que sont les œuvres, les catalogues ou encore les salles de cinéma. Il doit également lutter contre toute concentration. Il doit veiller enfin au respect du droit moral, pilier fondamental de la création européenne.

Via une politique volontariste en faveur de la diversité de la création et de la diffusion. L’Etat doit nous garantir un environnement serein pour que nous puissions consolider encore notre chronologie des médias. Il doit aussi favoriser une programmation équilibrée de tous les films, et travailler à un dispositif de soutiens du CNC qui vise à une réelle pluralité des propositions cinématographiques.

Via une politique volontariste vis-à-vis de l’audiovisuel public, avec des financements qui lui garantissent indépendance, audace et renouvellement de ses publics.  

Via une politique volontariste en direction de tous les spectateurs – jeunes, âgés, cinéphiles, éloignés du 7ème art – portée par une éducation à l’image.  

Il est donc indispensable que le Président, son Gouvernement et l’ensemble des pouvoirs publics affirment clairement par des actes plus seulement conjoncturels, mais aujourd’hui structurels, que le cinéma français, que la culture dans son ensemble, sont des biens communs des citoyens et des enjeux majeurs pour la démocratie.

Les Cinéastes de L’ARP